ROLAND DEBOST, dont le crédo est d’être accélérateur de croissance, a fait du développement de PME son challenge personnel. Qu’il s’agisse de doubler voire tripler le CA, financer cette croissance, recruter ou développer à l’international, les enjeux des sociétés qu’il accompagne constituent son propre défi.
Vous dites avoir 57 ans « officiellement », qu’est-ce que cela signifie ?
J’ai 57 ans officiellement, mais en fait, j’ai 30 ans. 30 ans, cela correspond au temps que j’ai consacré à créer et à développer des entreprises en France pour des groupes anglo-saxons ou aux États-Unis pour des boites françaises, en tant que dirigeant. C’est seulement en 2008 que j’ai commencé à exercer mon métier actuel, qui est de partager cette expérience en aidant d’autres entrepreneurs à développer leur patrimoine professionnel. Je leur évite de commettre les erreurs de stratégie que j’ai pu faire quand j’étais à leur place.
Quelle est votre fonction ?
Wikane est une franchise. Le franchiseur détient la marque et nous apporte un certain nombre de services de formation, de marketing, de communication. Je fais donc partie du réseau avec une quarantaine d’indépendants. En Ile-de-France, je travaille avec mes clients et prospects pour aider leur entreprise, tous secteurs confondus. Je suis attaché à l’image d’ « accélérateur de croissance » – ou de leveur de freins à la croissance – qui aide d’autres entrepreneurs à choisir et déployer la meilleure stratégie. Cela implique un certain nombre de leviers, c’est-à-dire du marketing, du commerce, de l’organisation et puis le nerf de la guerre, le financement.
Pouvez-vous nous parler de votre parcours scolaire ?
Je suis ingénieur en mécanique, diplômé en 1983. De toute évidence, rien de commun avec ce que je fais aujourd’hui. J’ai commencé à implanter des sociétés de services techniques, c’est-à-dire du SAV, pour ensuite m’investir davantage dans l’organisation que dans la partie technique. J’ai complété mes compétences par un DESS marketing (en 1995), bien éloigné de ma formation d’origine mais plus utile pour diriger des structures en développement.
… et donc professionnellement, votre parcours pendant 30 ans ?
J’ai créé et développé des entreprises pour le compte de multinationales anglo-saxonnes :
Voici le premier exemple. En 1989, je suis mandaté par le groupe anglais DELARUE, 1ER imprimeur mondial privé de billets, afin de mettre en place une structure de service sur toute la France, pour des automates spécialement conçus pour la Banque de France. Lorsque j’arrive dans cette société, il y a une quinzaine de techniciens, et trois millions de francs de chiffre d’affaires. Je la dirige pendant onze ans et l’amène à 100 millions de chiffre d’affaires avec une forte rentabilité. Le cœur de mon action est de développer, de recruter, de former, d’organiser et d’aller signer des nouveaux marchés. Je fais à la fois du développement organique et de la croissance externe. J’ai racheté deux sociétés car passer de trois millions à 100 millions ne peut dépendre seulement d’un développement organique : je dois dire que mes études de marketing se sont révélées indispensables.
Voici le 2ème exemple. Onze ans plus tard, je commence à m’ennuyer car j’ai épuisé mes leviers de croissance. En 2002, l’un de mes clients – en l’occurrence SECURICOR G4S – me propose de créer une société d’installation de systèmes de sécurité en France : ils en ont besoin pour leur couverture internationale et les marchés qu’ils ont signés avec les ambassades des États-Unis. Il faut une société en France qui réalise de la vidéosurveillance et du contrôle d’accès. Ils me proposent de les rejoindre. Je rachète donc une société, la dirige et la développe de 2002 à 2007. Cette société perdait de l’argent avec 7 millions de CA et plus de 90 salariés. Six ans après, elle atteint 22 millions d’euros avec 200 salariés et devient rentable. À la fin de cette aventure, je suis aussi administrateur du syndicat professionnel. J’ai, comme vous pouvez le constater, un parcours de développeur.
Quelle est la différence entre votre début de parcours et Wikane aujourd’hui ?
Je transmets aujourd’hui tout ce que j’ai appris hier sur le terrain : Wikane est un réseau qui accompagne depuis 25 ans exclusivement les patrons de TPE et PME. Nous apportons au dirigeant d’entreprise un éclairage complémentaire à sa propre expertise : si je l’exprime de manière un peu triviale, « quand j’interviens chez un fabricant de boulons, je ne vais pas lui apprendre à fabriquer des boulons ». C’est lui l’expert ! Par contre, mon apport se situe au niveau de sa stratégie, son positionnement, sa capacité à se diversifier ou vendre à l’international ; un challenge qu’il n’avait osé relever seul parce qu’il ne se sentait pas la compétence ou l’envergure. C’est là que WIKANE intervient et va l’aider à franchir le « plafond de verre » en voyant plus loin et plus grand. Pour Wikane, la stratégie en PME s’appuie sur 4 leviers : le marketing (quels produits sur quels marchés), le commerce (comment je les vends), l’organisation (comment je produis) et puis le financement, évidemment.
Quelles sont vos passions dans la vie et quel est votre caractère ?
L’entrepreneur prend des claques et doit se relever, donner l’exemple et « voir la bouteille à moitié pleine » pour poursuivre son chemin. Je suis un battant, gagnant et sportif. Je joue au squash ou au golf une fois par semaine. Si l’on veut développer des sociétés, il faut cette mentalité de gagnant. J’anime aussi des conférences et prépare des cours de stratégie pour business schools.
Je suis toujours investi à 100% dans les engagements que je prends : en parallèle à Wikane, j’ai une petite société qui fabrique des coques de Smartphones logotées, en licence de marque. D’ailleurs, nous venons de signer la licence Ryder Cup, le fameux tournoi de golf mondial … J’ai joins le golf et les affaires, la boucle est bouclée !
Quelles sont les difficultés auxquelles vous êtes confronté chez Wikane ?
Arriver à rencontrer l’entrepreneur qui a un problème de stratégie et qui parfois ne le sait pas ou qui ne veut pas le voir, et arriver à discuter en face à face de son projet. Pour créer cet échange, la rencontre se révèle être une difficulté propre à la région parisienne. On rencontre bien sûr des problèmes de financement car les banques restent frileuses pour financer nos entreprises. Il est difficile de concevoir un business plan qui correspond à leurs critères. Mon rôle est celui d’interprète : faire se comprendre l’entrepreneur et le banquier, deux populations qui ne parlent pas la même langue.
Votre principale satisfaction ?
Lorsqu’une boite que vous accompagnez depuis deux ans et qui faisait 1 million euros de chiffre d’affaires va atteindre 3 millions, qu’elle avait seulement 4 salariés et qu’elle est en train de recruter son 10ème salarié, augmenter sa rentabilité s’avère une vraie satisfaction. Constater que la société a franchi un cap, qu’elle a grandi, qu’elle a encore du potentiel et qu’elle est enfin bien valorisée, ça, c’est une réelle satisfaction !
Quel conseil donneriez-vous à un entrepreneur qui se lance ?
Souvent, l’entrepreneur se lance tout seul avec une idée. Il arrive face à des investisseurs qui sont prêts à investir sur un projet avec une équipe mais pas sur un homme-orchestre. Le « one-man-show » n’est guère rassurant : si l’entrepreneur a un souci de santé, … sa boite se retrouve à l’arrêt. Au-delà des tableaux prévisionnels, il faut une belle histoire à raconter et viser grand, et ne pas être le roi de son quartier mais avoir une vision internationale car les marchés n’ont plus de limites géographiques, surtout dans l’économie numérique.
Qu’est-ce que représente, pour vous, l’entrepreneuriat ? La contrainte, la liberté ?
L’entrepreneuriat, c’est les deux : c’est un mode de pensée, se remettre en cause tous les jours, savoir s’entourer par des personnes meilleures que soi dans leur domaine car on ne peut pas être bon partout, savoir être à l’écoute de son marché. Être entrepreneur, c’est aussi de grosses amplitudes horaires et être prêt à risquer ses propres économies : on peut difficilement lever des fonds si on n’a pas pris le risque soi-même. Certes, aujourd’hui, les medias parlent souvent des levées de fonds spectaculaires mais le message qu’ils transmettent est incomplet : l’exemple de Frédéric Mazzella de BlaBlaCar, qui ne s’est pas versé de salaire pendant plusieurs années avant la phase qu’on connaît, montre le chemin de croix. C’est son acharnement qui a incité les investisseurs à y croire aussi… et ils sont nombreux dans ce cas.