LA PME FAMILIALE CRÉÉE EN 1993 EST DEVENUE UN BEL EMPIRE RÉGIONAL ENTRE CHAMBÉRY ET LYON. FER DE LANCE D’UNE BOULANGERIE MODERNE ET DE QUALITÉ, LA PANIÈRE A INSTALLÉ SON OFFRE PREMIUM DANS LE PAYSAGE LOCAL AU FIL DU TEMPS. HISTOIRE D’UN SUCCÈS QUI NE FAIBLIT PAS AVEC PASCAL CANTENOT, PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ SAVOYARDE LA BOULANGERIE DES ALPES ET CRÉATEUR DE LA PANIÈRE.

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Quelle est aujourd’hui l’emprise de votre réseau La Panière ?

Nous disposons actuellement de 35 magasins et points de vente, dont 8 en franchise. Nous sommes présents en Savoie, Haute-Savoie, Ain et Rhône. Nous employons environ 480 personnes, le chiffre d’affaires reste en développement : de 32 millions d’euros en 2017, il est estimé à 35 millions d’euros pour 2018. Nous proposons des pains et des produits de boulangerie de haute qualité, mais aussi de la petite restauration réalisée entièrement sur place. À ce jour, nous comptons 25 000 clients fidèles sur notre territoire régional.

Vous avez lancé la Panière en 1993 avec votre père. Quelle était l’idée de départ ?

J’ai commencé à travailler en 1984 avec mon père, qui était patron d’un moulin, dans l’idée de créer une filiale de boulangerie. À la vente du moulin, nous avons eu envie de monter quelque chose ensemble : nous avons alors repris une boulangerie B to B à Aix-les-Bains qui vendait aux hôtels, aux restaurants, épiceries, etc. J’avais fait des études de commerce, j’avais travaillé en boulangerie : ce domaine s’est naturellement imposé. Et en 1993, j’ai créé l’enseigne La Panière.

Comment êtes-vous passé du B to B à un réseau de boulangerie ?

Au début, on a gardé le marché professionnel. Puis, on a testé des concessions chez Prisunic (futur Monoprix), et puis je voyais se monter des petites chaînes de magasins… Tout s’est fait progressivement : je suis parti de l’atelier de fabrication de produits de boulangerie mais sur un marché compliqué, et sans grande capacité d’investissement. Je me suis dit que je pourrais produire en atelier puis cuire et vendre sur place, en magasin. J’avais déjà envie de me démarquer par la qualité des produits et des services, avec des horaires plus adaptés aux clients : j’ai vu qu’il y avait un créneau à prendre.

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Vous avez aussi fait évoluer le métier de boulanger.

J’avais déjà en tête le projet d’une organisation industrielle, quelque chose de duplicable : faire de la qualité mais être organisé. Je ne voulais pas rester dans un modèle qui dégoûtait les gens du métier : le côté laborieux. Aujourd’hui, on dispose des outils et des technologies pour faciliter le métier. On a investi dans un premier magasin qui a marché assez vite, nous en avons donc ouvert d’autres. Trois ou quatre années plus tard s’est posée la question du laboratoire central, devenu obsolète. On a créé un nouveau labo, toujours à Aix-les-Bains, dédié à notre nouveau métier. Il a été inauguré en 1999, faisant évoluer notre capacité de production à 25 magasins ! Même si nous n’en possédions qu’une douzaine à l’époque. Il a été conçu comme un laboratoire industriel : on surgèle la pâte pour la stocker et la transporter dans nos magasins. On centralise ainsi la fabrication, avec une ligne automatisée, pour produire en série. Chaque magasin peut stocker la pâte selon ses besoins, il faut ensuite compter une journée de mise en œuvre. L’avantage est qu’on propose une même qualité de produit dans tous les magasins.

Au départ, le pain constituait plus de la moitié des ventes, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Comment votre offre a-t-elle évolué ?

Nous évoluons avec les attentes de nos clients. En 2005, nous avons ouvert notre premier espace de petite restauration dans notre magasin d’Aix-les-Bains : quelques tables et chaises pour manger sur place. Cela existait depuis 30 ans à Paris mais était beaucoup moins développé en région : nous étions parmi les premiers à répondre à cette demande. Nous avons ensuite dupliqué ce modèle sur beaucoup de boulangeries : la restauration constitue une part grandissante de notre chiffre d’affaires, supérieure aujourd’hui à celle de la boulangerie ! Mais nous sommes restés des boulangers : nous vendons des sandwichs, des salades et des jus de fruits frais, nous avons fait le choix de ne pas démultiplier notre offre. Les attentes évoluent très vite et nous avons décidé de nous concentrer sur l’ultrafrais. Je suis les conseils de mon père : aller voir ailleurs ce qui fonctionne, aux États-Unis, en Asie, être à l’affût de bonnes idées. Par exemple, il y a 4 ans, la demande de petits-déjeuners et de jus de fruits frais a explosé !

Vous avez également inclus le choix des emplacements dans votre stratégie de développement ?

Oui c’est très important : on se développe beaucoup en périphérie des villes avec des parkings (70 % du CA), ou en centre-ville avec des terrasses. Les grandes enseignes comme Paul sont moins implantées en région. Et moi, je connais bien mon territoire, je pense savoir repérer les emplacements de qualité étant de la région. On continue sur ce credo : être au plus près de la demande, combiné à un bon emplacement. Aujourd’hui, on jouit d’une image de qualité et de fraîcheur, et on assume d’être souvent plus cher que les autres. Car même avec un processus industriel, mais uniquement en amont, tout est cuit en magasin, les salades et sandwichs sont faits sur place : la fraîcheur est garantie.

Comment sélectionnez-vous vos matières premières ?

Nous sommes très exigeants. Par exemple, cela fait 9 ans que nous sommes passés au bio pour certains de nos pains spéciaux. J’ai la conviction que la qualité compte. Nous venons d’ailleurs de signer notre deuxième contrat avec AgriEthique, une coopérative agricole locale qui nous permet de court-circuiter le marché financier du blé et la spéculation. Cela me déconcerte qu’on spécule sur de la nourriture ! On a réussi à en sortir depuis 4 ans, en contractualisant avec les acteurs locaux. De même, pour les salades et les sandwichs, nous sommes continuellement sur la corde raide sur le prix de revient. Jusqu’à combien le client est-il prêt à payer ? Cela fait 25 ans que j’essaie de faire des produits premium car les attentes des consommateurs ont évolué dans ce sens et nous sommes attachés au fait de proposer des produits de qualité.

Quels sont vos projets et les prochaines évolutions de votre enseigne ?

Trois ouvertures sont prévues sur 2018-2019 : trois créations de magasins sur le même modèle, et un rachat. En principe, on privilégie à 90 % les créations de magasins, cela nous permet d’être plus libres et c’est plus impactant pour la clientèle. Ensuite, nous créons un concept de restauration à Annemasse : nous avons racheté un ancien restaurant, un bel emplacement, que l’on va totalement transformer. Ce sera un restaurant du midi sans service à table, avec une offre très courte de produits de qualité et ultrafrais. Le concept de base est celui de l’assiette complète, ou « bowl » : un tiers de céréales, un tiers de protéines, un tiers de légumes. Tout sera cuisiné sur place à partir de produits bruts, avec une cuisine ouverte sur la salle de restauration. Quant au design, j’ai pris depuis longtemps le pari de la modernité et du contemporain : je n’essaie pas de faire croire que je suis un artisan… On est justement en train de transformer notre image : un nouveau logo et deux magasins en travaux. À Chamonix avec une déco un peu montagne, au centre-ville d’Annecy dans un vieux bâtiment avec un look vintage.

Développer La Panière à l’échelle nationale ou même chez vos voisins suisses, vous y pensez ?

Pas pour l’instant. J’ai voulu faire mon chemin localement, en escargot. Je suis attaché à cette qualité et à cette proximité avec les producteurs et la clientèle … ●

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